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La ruée vers la Santé Animale - 5 tendances à surveiller par Omer Bourret

La Santé Animale est en vogue. Nous avons interviewé Omer Bourret, responsable de la verticale Chien/Chat du néo-courtier Lovys, qui capitalise sur ses 20 années de métier dans le domaine pour nous livrer sa vision du marché.

La ruée vers la Santé Animale

La Santé Animale est en vogue. Avec 200 millions de chiens et chats en Europe et un taux de pénétration avoisinant les 5%, l’assurance chien-chat éveille l’intérêt de bien des entrepreneurs. Quand on sait qu’en Suède, ce sont près de 80% des animaux de compagnies qui sont assurés (par rapport à environ 8% en France), on mesure mieux l’opportunité qu’elle représente.

Traditionnellement servi par une poignée d’acteurs établis (SantéVet, Assur’O Poil, ECA Assurances, etc.), le marché français voit débarquer de nouveaux acteurs tels que Dalma ou encore Lovys cherchant à bousculer ses codes et services.

Nous avons interviewé Omer Bourret, responsable de la verticale Chien/Chat du néo-courtier Lovys, qui capitalise sur ses 20 années de métier dans le domaine pour nous livrer sa vision du marché.  

Bonjour Omer, selon vous, quelles seront les grandes tendances qui définiront le marché de la Santé Animale dans les années à venir ?

Bonjour ! Je vois 5 tendances principales.  

Produit : La réelle innovation reste à venir en France  

Je trouve intéressant de nous tourner vers le Royaume-Uni pour imaginer ce à quoi ressemblera demain le marché de l’assurance animale en France. Avec un taux de pénétration de près de 20%, on estime que nos homologues britanniques ont presque 6 ans d’avance en matière de sensibilité produit.  

Menées par des entreprises particulièrement innovantes telles que Bought By Many ou Waggel, les AssurTech anglaises ont pris de l’avance sur la simplification des produits. De fait, certaines conditions prises pour acquises en France sont devenues inacceptables pour les consommateurs d’Outre-Manche. Prenons l’exemple de l’exclusion des maladies héréditaires. Refuser la prise en charge d’un traitement asthmatique sous prétexte qu’un ascendant y était sujet nous paraitrait intolérable pour un humain. Il en sera bientôt de même pour les animaux.  

C’est ce type d’évolution produit que nous menons chez Lovys, mais avoir un impact à l’échelle du marché prendra du temps. Rendre un produit plus simple et lisible a un coût technique. Or le consommateur français ne l’accepte pas encore. Toute entreprise cherchant à se démarquer risquerait donc de se retrouver avec un tarif hors-marché.

Mais les attentes du marché évoluent. La première cause de réclamation client en Santé Animale est le refus de prise en charge. Le besoin de transparence et lisibilité des produits s’intensifie et primera bientôt sur le prix. Et le jour où la Santé Animale connaîtra un taux de pénétration de 20%, les assureurs devront se plier aux exigences du client.

Consommation : Les jeunes tirent le marché vers plus de simplicité

En règle générale, l’évolution du marché chien/chat est directement lié à l’évolution de la population. Il faut savoir qu’aujourd’hui l’adhésion se fait auprès des jeunes. Ce sont sur leurs usages que le marché devra se calquer. Et ces derniers sont relativement codifiés.  

Tout d’abord, sur le plan financier, la tendance est à la « Budgétisation ». Au-delà de la flambée des prix, 47% des 25 – 34 ans estiment être touchés par les conséquences économiques de la pandémie. Résultat ? Une jeune génération beaucoup plus à cheval sur ses finances.  

Leur approche: “Quels sont mes frais récurrents ? Quel budget me reste-t-il pour profiter avec mes amis ?” On constate que le budget assurance se retrouve donc généralement dans un excel comparé aux autres dépenses mensuelles tels qu’un abonnement téléphonique ou encore une mensualité Netflix.   

Cette démarche, qui pourrait tirer drastiquement les prix vers le bas, est contrebalancée par la peur de l’imprévu : « Que se passe-t-il s’il y a un problème ? ».   

Effectivement, le moins d’épargne on a, le plus on appréhende les coups durs. Si on regarde les chiffres, les études indiquent que les français dépensent au total jusqu’à €1 224 par an sur leur animaux de compagnie. Quand on sait que le revenu moyen des 18 – 30 ans avoisine les 2 000€ par mois, on comprend que les jeunes consommateurs privilégient une mutuelle de 20€ / mois plutôt que de payer un sinistre de plusieurs milliers d’euros.

Cette aversion pour l’imprévu impacte également leurs attentes au niveau du service. Cela se traduit par une frustration exacerbée pour les « frais masqués ». C’est d’ailleurs l’un des partis pris par le néo-courtier Dalma qui a largement axé son discours sur l’absence de franchise ou autres “frais surprise”. Par exemple, les frais supplémentaires pour les paiements fractionnés sont devenus inacceptables pour la jeune génération.

Tech : Les services gagnants intégreront les meilleurs écosystèmes de service

C’est un fait : nos vies tendent vers l'instantané. On se déplace en Uber à la demande, on se fait livrer ses courses en 10mn sur Gorilla ou Cajoo, on fait des virements instantanés sur Lydia ou Pumpkin, etc.  

Tous ces services définissent les attentes des consommateurs. L’assurance Santé Animale sera inévitablement jugée selon les mêmes critères. Le secteur l’a naturellement bien compris et depuis longtemps, mais doit composer avec des contraintes réglementaires très fortes et une technicité de gestion colossale.

Cette complexité a engendré une fragmentation de la chaîne de valeur en une myriade de services ultraspécialisés – tel queDutch (ndlr: service spécialisé dans la télémédecine animale ayant réalisé une série A de $20m il y a quelques semaines.)

Intégrer ces différentes expertises en une expérience client fluide sera la clé. C’est pourquoi, on voit des acteurs comme SantéVet se positionner comme de réels agrégateurs de services facilitant la prise de rendez-vous par VétoLib et la gestion du paiement au vétérinaire via PayVet.

Si la télémédecine ou le télé conseil restent encore globalement méconnus du public avec env. 6% des propriétaires d’animaux y ayant recours, nous anticipons chez Lovys que ce seront demain des prérequis rédhibitoires chez les français.  

En somme, la Santé Animale sera technologique, ou ne sera pas.

Marché: Le marché se concentre. La Révolution commence…  

Sur les +19k vétérinaires, il est estimé que 62% exercent leur activité de manière libérale. De fait, l’Observatoire National de la Profession Vétérinaire répertorie 8.000 établissements vétérinaires. La grande question: Qui saura fédérer et capitaliser sur un réseau aussi fragmenté ?

Et les investisseurs l’ont bien compris. C’est pourquoi on voit des acteurs comme Crédit Mutuel Equity investir dans des services comme Incinéris (incinération pour animaux). Cela leur permet d’intégrer le groupe Veternity et son réseau vétérinaire et d’amorcer son positionnement sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Et ce n’est que le début. On peut tout à fait imaginer de prochains investissements dans la petfood, la livraison de médicaments, la digitalisation des soins, l’industrie etc. Une fois tous ces services ralliés sous la même enseigne, commencera la phase d’intégration des opérations.

De la même manière que le marché du Tiers Payant humain est globalement réparti entre Almérys, le Cétip et Viamédis, le Tiers Payant Animal sera demain partagé entre quelques principaux acteurs. Entre les vastes quantités de capitaux requis et l’effet de réseau nécessaire au succès, une sélection naturelle s’opérera. En bref, les vainqueurs seront ceux qui parviendront à construire un conglomérat et s’intégrer au sein de ces réseaux.  

En bref, les gagnants seront ceux qui parviendront à constituer un conglomérat et à s'intégrer dans les réseaux de services aux animaux domestiques.

Actuelle: En 2021 a débuté un nouveau chapitre pour la Santé Animale

6,7%. C’est le taux de croissance annuel estimé pour le secteur de la Santé Animale qui devrait presque doubler sur les 5 années à venir et atteindre les $10 mrds d’ici 2025.

La pandémie aura renforcé le lien entre les français et leurs animaux. La demande pour des assurances chien/chat n’a jamais été aussi forte. Si le marché français reste plus avancé que l’italien, par exemple, il reste dans l’ensemble balbutiant. Il sera intéressant de voir comment l’écosystème et le marché se structureront face à une telle demande.  

Ce secteur a de beaux jours devant lui.

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